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Le biais d'ancrage : la pierre qui fait couler votre courage

Vous vous en souvenez comme si c’était hier : à l’école, cette restitution en amphithéâtre, devant 50 personnes… où vous vous êtes ridiculisé. Vos oreilles chauffent rien que d’y penser. Vous y avez survécu, certes ; mais depuis ce jour, vous le savez : vous n’êtes pas bon en présentation orale.

5 ans plus tard, le cauchemar : votre manager vous a proposé de présenter votre dernier projet devant tout votre département. Cela valoriserait énormément votre travail, et vous ferait gagner en visibilité – si seulement vous étiez bon en présentation orale. La solution fait donc naturellement son chemin dans votre esprit : la façon la plus sure d’éviter un nouvel échec, c’est encore de ne pas essayer. Votre manager pourra faire la présentation, vous vous contenterez de votre nom en bas de la slide 87.

 

Ce qu’il se passe dans votre tête : le biais d’ancrage

Ici, vous faites face à une succession sournoise de trois biais cognitifs. Pour commencer, le biais d’ancrage fait en sorte que votre première impression, celle de votre mauvaise expérience, reste fermement imprimée dans votre esprit comme point de repère : J’ai complètement raté ma restitution en 2015, donc je suis mauvais en présentation. Derrière, le biais d’attention transformera cette première impression en filtre. Puisque vous n’arrivez pas oublier votre échec, vous aurez tendance à ne faire attention qu’aux choses que vous faites mal, à chaque occasion : J’utilise trop mes mains, je bégaie, j’ai répété trois fois le même mot... Et enfin, cerise sur ce gâteau empoisonné, le biais de confirmation viendra cimenter toutes ces mauvaises impressions. Comme vous vous êtes concentré sur le négatif, votre cerveau se servira de cette perception pour confirmer et même alourdir l’ancre initiale : j’avais raison de penser que j’étais mauvais, je n’ai fait que des erreurs cette fois encore.

Selon B.J. Fogg (dont nous parlions dans le 1er article de la série), un comportement se déclenche au croisement de trois facteurs : Comportement = Motivation x Capacité x Déclencheur. Même si vous êtes motivé à bloc, vous serez paralysé si vous ne vous sentez pas suffisamment capable de réaliser l’action. Conséquence : pas de passage à l’action.

Ces biais ont un impact sur votre sentiment de capacité par effet de distorsion : vous avez une image incomplète, biaisée de la réalité. Pour sortir de ce cercle vicieux, et puisque vous ne pouvez pas faire confiance à votre propre perception, retirez le facteur subjectif : plutôt que chercher un sentiment de réussite, valorisez l’effort.

 

Les nudges à la rescousse : valorisez votre effort en le quantifiant

Le biais d’ancrage est résistant : forcément, on n’a qu’une seule chance de faire une première impression… Mais il est possible de détourner vos biais d’attention et de confirmation, jusqu’à réussir à dissocier la manière dont s’est déroulée votre première expérience de restitution, et votre capacité générale à parler en public. Pour cela : concentrez-vous sur les actions réalisées pour améliorer vos présentations, et non sur la qualité ressentie de ces présentations.

 

Notre conseil : A partir de maintenant, quantifiez les actions que vous réalisez pour progresser en présentation

Pourquoi ? Quantifier votre effort aura un double avantage. Non seulement cela vous permet de rendre l’action finie, c’est-à-dire que vous définissez les conditions de réussite de votre action. Mais en plus, c’est une protection pour éviter de minimiser votre effort : vous pouvez toujours avoir une perception fausse de votre niveau, mais pas d’une action concrète !

Comment ? Vous pouvez par exemple définir une durée : pendant 15 minutes, une heure, une demi-journée… ou un nombre d’occurrences, par exemple : pendant vos trois prochaines réunions.

 

Grâce à cette méthode très simple, vous vous réappropriez votre ancre et la tournez à votre avantage. Plutôt qu’une fatalité, elle sera un point de départ : Certes, je n’ai pas brillé pendant ma restitution de 2015 ; mais depuis, j’ai réalisé beaucoup d’effort !